Demande d’indemnité réparatrice devant le Conseil d’Etat: le point sur la procédure.

L’article 11 bis des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat, introduit par la loi du 6 janvier 2014, permet à la partie qui obtient gain de cause devant le Conseil d’État mais dont le préjudice n’est pas entièrement réparé par un arrêt d’annulation, d’obtenir une indemnité réparatrice.

Cette nouvelle voie de recours concerne toutes les matières susceptibles d’être portées devant le Conseil d’Etat, dont le droit de l’urbanisme, de la fonction publique, des marchés publics, …

Si la jurisprudence du Conseil d’Etat est toujours en voie de construction, il nous parait utile de faire le point sur les grands principes actuellement acquis.

Ainsi, la demande d’indemnité réparatrice se distingue de la réparation judiciaire du dommage. Elle exige un préjudice et un lien de causalité mais pas nécessairement une faute.

Le requérant – qui supporte la charge de la preuve – doit donc démontrer :

– l’illégalité de l’acte (constaté dans un arrêt) ;
– le préjudice subi ;
– et le lien de causalité entre l’illégalité et le préjudice.

Selon l’article 11 bis des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat, l’indemnité réparatrice doit par ailleurs être fixée « en tenant compte des intérêts publics et privés en présence ». Elle ne se fonde pas sur l’article 1382 du Code Civil.

Contrairement au droit commun de la responsabilité civile – appliqué par les Cours et Tribunaux de l’ordre judiciaire -, le principe n’est donc pas celui de la réparation intégrale du dommage.

Le législateur a consacré, dans l’article 11 bis des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat, la règle selon laquelle « la partie qui a introduit la demande d’indemnité ne peut plus intenter une action en responsabilité civile pour obtenir une réparation du même préjudice ». La règle contraire est également prévue : « la partie qui intente ou a intenté une action en responsabilité civile ne peut plus demander à la section du contentieux administratif une indemnité pour le même préjudice ».

Nous aurons à cœur de vous conseiller le cas échéant quant à la voie procédurale la plus adéquate, en tenant compte des spécificités de chaque dossier, et, notamment, du délai endéans lequel la demande doit être introduite, du délai endéans lequel une décision pourrait être prononcée, ainsi que de la sensibilité des instances concernées.

Notons également que si les lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ne prévoient pas explicitement la possibilité de condamner la partie adverse au paiement d’intérêts sur le montant alloué au titre d’indemnité réparatrice, aucune disposition ne semble s’y opposer.

Dans son premier arrêt accordant une indemnité réparatrice, le Conseil d’Etat n’a d’ailleurs pas hésité à octroyer les intérêts revendiqués (C.E., n° 232.416 du 2 octobre 2015, Legrand).

Enfin, il n’est pas sans intérêt de noter que la procédure en demande d’indemnité réparatrice est actuellement relativement rapide (12 à 18 mois). Cette rapidité et la connaissance du litige dont dispose nécessairement le Conseil d’Etat devront être mises en balance avec l’absence de recours possible. A l’inverse des jugements statuant en première instance sur les actions en dommages et intérêts, les arrêts du Conseil d’Etat ne sont en effet pas susceptibles d’appel.

Nul doute que cette procédure fera encore couler beaucoup d’encre, d’importants arrêts de principe étant notamment attendus en ce qui concerne le lien causal, le point de départ du calcul des intérêts, …